La crise entre l'Azawad et le Mali est l'un des conflits les plus complexes de la région du Sahel et du Sahara depuis l'indépendance des États africains en 1960. L'Azawad, intégré au Mali sans lien culturel ni historique avec ce dernier, a été le théâtre d'une révolution militaire contre l'armée malienne, débutée en 1963. La première tentative de médiation de l'Algérie en faveur du Mali en 1963 consista à remettre les leaders de la révolution azawadienne réfugiés en Algérie, dirigés par Zaid ag Attaher, tout comme le Maroc remit les dirigeants azawadiens réfugiés au Maroc, dirigés par Mohamed Ali Ag Attaher Al-Ansari, qui furent ensuite remis à Modibo Keïta. Les 33 dirigeants du Front Populaire de Libération de l’Azawad (FPLA) ainsi remis furent emprisonnés à Bamako et condamnés à mort. Cette rébellion, suivie d’une répression féroce du dictateur Modibo Keita, signa l'exode des populations Touaregs de l’Azawad. La région de Kidal a été particulièrement touchée par des massacres et des emprisonnements de familles entières. En plus de livrer les chefs du soulèvement de 1963-64 au Mali, l’Algérie a donné un droit de poursuite de 200 kilomètres en profondeur sur son territoire pour poursuivre les combattants du FPLA. Ce droit de poursuite a occasionné le massacre d’Inouzal mené par l’armée malienne sur des civils qui abreuvaient leurs bétails. Les meneurs de la rébellion de 1963 n’ayant bénéficié d’aucun soutien ont mis la lutte armée en veille. À partir de la moitié des années 70, deux ans après la terrible sécheresse de 1973, des démarches pour préparer une nouvelle rébellion ont été mises en place clandestinement. Les équipes de recrutement ont visé spécifiquement les regroupements des jeunes migrants Touaregs en Libye et en Algérie. Ces derniers ont éveillé les soupçons de l’Algérie qui a tenté plusieurs fois de tuer dans l’œuf le soulèvement qui se profilait à l’horizon. L’Algérie a infiltré leurs camps d’entraînement et mené des opérations de police ainsi que des saisies de biens des jeunes qui retournaient de la Libye pour rejoindre leurs familles dans l’Azawad. Malgré cela, le FPLA finit par parvenir à s’organiser et à attaquer le Mali. À partir de 1990, l'Algérie s'est imposée lors de la rencontre de Djanet pour jouer le rôle de médiateur entre les parties en conflit, Mali et Azawad, mais ses efforts ont échoué à maintes reprises.
Révolution de l'Azawad en 1990 :
En 1990, le peuple de l'Azawad se révolta à nouveau contre le contrôle du gouvernement malien sur la région de l'Azawad, réclamant l'autonomie ou l'indépendance. Le Front populaire de libération de l'Azawad attaqua plusieurs villes et zones tenues par l'armée malienne dans l'Azawad, commençant par Ménaka. En réponse, l'armée malienne, après avoir échoué à remporter aucune bataille directe contre les Azawadiens, commit des violations contre les civils touaregs et arabes, entraînant un nouvel exode vers l'Algérie et la Mauritanie.
Accord de Tamanrasset de 1991 : Un espoir rapidement dissipé :
Fin de l’année 90, l'Algérie déploie son réseau de contacts sur le terrain et parvient à organiser une rencontre préliminaire à Tamanrasset entre les chefs des groupements civils représentant le Mali et des membres du Front Populaire de Libération de l'Azawad (FPLA), qui devient à partir de cette rencontre le Mouvement Populaire de l'Azawad (MPA). Par la suite, l’Algérie préside une médiation qui aboutit à l'accord de Tamanrasset début de l’année 91 entre le gouvernement malien et le Mouvement Populaire de l'Azawad (MPA) et le Front Islamique Arabe de l’Azawad (FIAA), créé à cette occasion à Tamanrasset. Cet accord prévoyait un cessez-le-feu, le retrait des forces maliennes de certaines régions de l'Azawad, notamment dans la région de Tombouctou et Kidal. Il a été signé en présence de représentants algériens et maliens ainsi que des secrétaires généraux du MPA et du FIAA.
Échec de l'accord et coup d'État de 1991 :
L'accord de Tamanrasset n'a pas été mis en œuvre comme prévu, ce qui a entraîné la reprise des combats entre les parties. L'armée malienne a rejeté l'accord et créé des milices qui s'attaquent aux délégations de suivi de l'accord et aux Touaregs dans les villes de Gao en guise de vengeance. L’Algérie, ayant obtenu ce qu’elle voulait, n'a pas joué son rôle de médiateur. Ce que voulait l’Algérie, c'était que le Front Populaire de Libération de l'Azawad (FPLA) reconnaisse l'intégrité territoriale du Mali. L’Algérie a toujours expliqué à tous ceux qu'elle rencontrait que le fait de reconnaître une autonomie de l’Azawad serait un facteur de déstabilisation dans la région. Amadou Toumani Touré, qui deviendra plus tard président du Mali, a mené un coup d'État militaire renversant le gouvernement du dictateur Moussa Traoré. Les actions de la rébellion ont affaibli Moussa Traoré, qui a gouverné le pays par un parti unique pendant 22 ans. Cela a marqué le début d'une transition militaire et la restauration du multipartisme, consacrant ainsi le début de la démocratie dans le pays. Le Mali, qui n'avait connu que des présidents dictateurs ou issus des coups d'État, a finalement pu élire démocratiquement ses dirigeants.
Le gouvernement démocratique et le pacte national :
En 1992, Alpha Oumar Konaré a été élu premier président démocratique du Mali. Le gouvernement de Konaré a cherché à mettre fin au conflit avec les mouvements azawadiens en signant le pacte national.
Les conditions de l'accord comprenaient :
• Renonciation par les Azawadiens à l'idée de l'indépendance et acceptation de l'unité territoriale.
• Octroi d'un gouvernement autonome limité à l'Azawad (statut particulier).
• Allocation de budget pour le développement de la région de l'Azawad.
• Création d'un bureau à Bamako appelé "Bureau des affaires du Nord" pour proposer des solutions aux problèmes de la région de l'Azawad.
• Intégration des combattants azawadiens dans l'armée malienne et des civils dans l’administration.
Les mouvements armés regroupé au sein de Mouvement et Front Unifié de l’Azawad ont été dissoute au profit du gouvernement malien à l’occasion de la flamme de paix à Tombouctou. Les Algériens avaient obtenu ce qu’ils voulaient et passent la main au Mali. Les azawadiens ont également demandé la présence d'une commission internationale pour garantir l'application de l'accord seul la France était présente à travers ses émissaires. Cependant, la plupart des dispositions de l'accord n'ont pas été mises en œuvre, à l'exception de l'intégration de quelques combattants et civils azawadiens dans l'armée malienne et dans l’administration, certains ont rapidement déserté en raison des mauvais traitements infligés par l'armée malienne et le non-application du pacte national.
Échec du pacte national et la naissance de l’Alliance du 23 mai pour le changement démocratique de 2006 :
Des ex-combattants et des officiers ont attaqués et pris des postes militaires à Kidal et Ménaka. Après avoir contrôlé ces garnisons, ils se sont retirés à Tegharghar. Ils ont été appelés par l'Algérie à se rendre à Alger, où ils ont formé l'Alliance du 23 mai pour le changement démocratique et ont formulé leurs revendications. L'insurrection s'est terminée par la signature d'un accord de paix en Algérie entre le gouvernement malien et l'Alliance démocratique. Cet accord prévoyait le rétablissement de la sécurité et le développement de la région de Kidal. L'Algérie a déployé ses représentants sur le terrain, et des membres de ses services ont joués le rôle de diplomates. Cependant, l'accord n'a pas été respecté malgré les promesses faites lors du forum de Kidal. L'intégration prévue a été négligée et le nombre d'intégrés ne répondait pas aux attentes. De plus, le Mali a refusé la création des unités spéciales qui devaient lutter contre le terrorisme. Après cet échec, l'Algérie s'est contentée du calme précaire qui régnait.
Révolution de l'indépendance de 2012 :
Après l'échec de l'Algérie à mettre en œuvre tout accord de paix entre l'Azawad et le Mali depuis 1990 jusqu'en 2006, la Libye est intervenue dans des pourparlers de paix. Face au refus du Mali de respecter les accords précédents, le 17 janvier 2012, l'armée azawadienne a lancé des opérations de libération du territoire azawadien occupé par le Mali. Les jeunes de l'Azawad avaient fondé le 1er novembre 2010 le Mouvement national de l'Azawad (MNA) et envoyé plusieurs messages au président malien Amadou Toumani Touré pour obtenir les droits des Azawadiens et un retrait pacifique de l’armée malienne dans certaines localités des régions azawadiennes. Après avoir ignoré les messages du MNA et ses avertissements, qui ont persistés jusqu'à la fin de l'année 2011, le MNA a changé de nom pour devenir le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et a opté pour la libération armée. Ces opérations ont débuté à par les villes de Ménaka et Tessit le 17 janvier 2012, l'armée azawadienne a réussi à contrôler tout le territoire national azawadien en trois mois. L'indépendance de l'État de l'Azawad a été proclamée le 6 avril 2012, avec la formation d'un Conseil de transition présidé par Bilal Ag Acherif et la nomination de membres du gouvernement azawadien dans toutes les composantes de l'Azawad. Cependant, cette euphorie a été de courte durée, car des groupes terroristes soutenus par l'extérieur ont attaqués les positions du MNLA dans la capitale, Gao, et d'autres villes azawadiennes, les forçant à abandonner leurs zones de contrôle. L'État de l'Azawad a été renversé par les terroristes, qui prennent le contrôle de toutes les régions de l'Azawad et se dirigent vers le Mali. Cela a nécessité une intervention urgente des militaires français début 2013, entraînant le retour de l'armée malienne dans l'Azawad avec le soutien français. Cependant, l'armée azawadienne les a devancés à Kidal et en a pris le contrôle en 2013, empêchant l'armée malienne d'y entrer.
Accord d'Alger pour la paix et la réconciliation 2015
Après l'échec de l'armée malienne à reprendre Kidal en mai 2014, le Mali a cherché le soutien de son voisin, l'Algérie, pour ramener les Azawadiens à la table des négociations, qui avaient échoué à plusieurs reprises auparavant. De juin 2014 à juin 2015, plusieurs sessions de négociations ont eu lieu sous la pression régionale et internationale sur les mouvements azawadiens pour signer l'accord d'Alger. Face à cette pression, et sous la supervision de la communauté internationale dirigée par l'Algérie, les dirigeants azawadiens ont finalement été contraints de signer l'accord. Cependant, il est important de noter que malgré la signature de l'accord, sa mise en œuvre complète des dispositions n'a pas été réalisée, ce qui a contribué à la persistance des tensions et des problèmes dans la région.
Déroulement et fin de l’accord d’Alger :
Le 14 juin 2014, les mouvements de la plate-forme du 14 juin à Alger, soutenus par le Mali, ont signé l'accord, suivi par la signature du Mali le 15 mai 2015. La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) a également signé l'accord, initialement le 20 mai 2015, puis définitivement le 20 juin 2015. Cet accord était censé garantir l'unité territoriale du Mali, la laïcité de l'État, et prévoir la mise en place d'institutions et de services publics dans les régions de l'Azawad, notamment une armée reconstituée, des conseils régionaux, une police territoriale et des infrastructures de développement.
Cependant, malgré l'engagement de la communauté internationale à garantir la mise en œuvre de cet accord, neuf ans plus tard, seuls 10 % de ses dispositions ont été appliqués selon les analystes. Le Mali a été accusé de ne pas respecter ses engagements et d'entraver délibérément la mise en œuvre de l'accord.
La situation s'est effectivement encore détériorée avec le coup d'État contre le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020. Les putschistes ont manifesté leur hostilité envers les mouvements azawadiens et se lancent à l’offensive sur les zones sous contrôle des azawadiens avec l’aide des drones TB2 turcs, des véhicules blindés chinois, avec l’appuis des mercenaires russes de Wagner. Leur demande de départ des forces internationales présentes dans la région a également contribué à aggraver les tensions et à compromettre la stabilité déjà fragile.
Malgré la violation flagrante de l’accord d’Alger, les attaques contre les positions des mouvements azawadiens, ainsi que le massacre des civiles par les drones, avions et le mercenaires russe de Wagner qui appui l’armée malienne, il y a eu un silence assourdissant de la part des instances politiques et militaires internationales, y compris de l'ONU et de l'Algérie, qui jouaient un rôle de premier plan en tant que médiateur de l'accord.
Le 31 décembre 2023, la junte militaire au Mali a annoncé le remplacement de l'accord d'Alger par des dialogues inter-maliens, sans intervention étrangère. Le 25 janvier 2024 le Mali se retire définitivement de l’accord d’Alger.
L’Algérie qui s’est imposé comme principal médiateur dans le conflit qui oppose le Mali à l’Azawad depuis 34 ans n’a pas réagi à cette annonce, ce qui est devenu un échec de plus sur la liste de la diplomatie Algérienne.