Le Mali utilise Wagner pour exterminer le peuple de l’Azawad

Des civils tués, décapités et piégés par les militaires maliens et le groupe Wagner à Ersane. @APMA
Des civils tués, décapités et piégés par les militaires maliens et le groupe Wagner à Ersane. @APMA

Le conflit au Mali et dans l'Azawad revêt une dimension de plus en plus critique et complexe. Alors que la situation sécuritaire était déjà fragile avant le coup d'État de 2020, l'arrivée au pouvoir de la junte militaire menée par le colonel Assimi Goïta et l'éviction du premier gouvernement civil ont marqué un tournant majeur.

Rompant avec les efforts de médiation de la communauté internationale et les accords de paix précédemment engagés avec les mouvements de l’Azawad, les nouvelles autorités maliennes ont pris le parti d'une ligne suicidaire à l'égard des mouvements armés de l'Azawad. Cette stratégie s'est appuyée sur l’utilisation aveugle de drone Turc TB2 et du recours controversé au groupe paramilitaire privé russe Wagner, dont la présence croissante sur le terrain malien soulève de vives inquiétudes sur les questions des droits de l’homme.

Wagner, réputée proche du Kremlin et soupçonnée d'agir pour les intérêts géostratégiques de la Russie en Afrique, est accusée d'exactions et de violations flagrantes des droits humains dans les zones de conflit où elle intervient. Son implication aux côtés des forces armées maliennes dans la région septentrionale et dans le Macina fait craindre une escalade meurtrière du conflit et un nettoyage ethnique à l'encontre des populations civiles touarègues et arabes.

Dans ce contexte explosif, la junte de Bamako semble avoir opté pour une ligne répressive dure, alimentant un cercle vicieux de violences et de représailles. Les conséquences humanitaires se font déjà sentir, avec des déplacements massifs de populations fuyant les exactions.

Pour contextualiser, rappellons que le 24 mai 2021, un coup d’État survient encore au Mali, le deuxième en moins d’un an. Un groupe de cinq colonels a alors « repris » le pouvoir, choisissant le colonel Assimi Goita cette fois comme chef de l’Etat. Assimi Goita était déjà vice-président sous le président déchu Bah N’Daw, qui avait accédé au pouvoir après le coup d’État d'août 2020. Durant son mandat, N’Daw recevait ses invités en présence de Goita, en toute transparence mais cela n’a pas suffi à légitimiser son pouvoir aux yeux des militaires à l’origine du putsch l’ayant placé à la tête du Mali.

Après le second putsch, les putschistes ont nommé Choguel Kokala Maiga comme Premier ministre civil. Choguel, une personnalité controversée connue pour ses opinions racistes, se revendique comme l'héritier idéologique du dictateur Modibo Keita. Malgré ses nombreuses candidatures à la présidence, il a toujours eu un très mauvais succès électoral. Dès sa prise de fonction, Choguel a affiché une hostilité claire envers les accords de paix entre le Mali et l’Azawad. Il a également exprimé l’impératif d’expulser les forces internationales qui maintenaient une paix précaire et solliciter de nouveaux partenaires très peu exigeants en matière de droits internationaux pour mener la guerre à la place du Mali.

À la fin de 2021, plusieurs médias ont publié des articles alertant sur l’arrivée imminente des mercenaires de Wagner, une entreprise militaire privée russe déployée dans plusieurs pays en proie à des guerres civiles. Les actions de Wagner couvrent les intérêts militaires illégaux de la Russie à l'étranger, financés par le gouvernement russe et son appareil militaire et sécuritaire.

En janvier 2022, l’arrivée de plusieurs centaines de mercenaires de Wagner à Bamako a été signalée. Quelques jours plus tard, des images de ces mercenaires portant des insignes de Wagner ont émergé. Bien que le Mali nie leur présence et parle d’« instructeurs russes », les mercenaires ont rapidement été engagés sur le terrain. Dans une vidéo tournée par les combattants du Macina, des restes de corps d’hommes blancs fauchés par une explosion ont été identifiés. Plusieurs experts en sécurité ont expliqué qu’il s’agissait d’un convoi de Wagner accompagné de militaires maliens opérant dans le Macina.

Le 31 mars 2022, plusieurs sources civiles et sécuritaires ont rapporté une intervention héliportée et terrestre par des hommes blancs, accompagnés de militaires maliens, au village de Moura. Durant plusieurs jours, des témoins ont parlé d’atrocités sans pouvoir fournir plus de précisions. Les mercenaires de Wagner et les militaires maliens, partis de Mopti, sont restés dans le village pendant cinq jours. Après leur départ, la page de médias sociaux des militaires maliens a annoncé que 203 terroristes avaient été tués et plus de 50 autres arrêtés. Cependant, les civils, les médias et les forces internationales, notamment la MINUSMA, ont rapporté plus d’un demi-millier de morts civils dans le village, ainsi que de 52 viols et de saccages perpétrés par les militaires maliens et Wagner.

Certaines sources rapportent que les mercenaires de Wagner ont été déployés aux côtés du bataillon des forces spéciales maliennes dès leur arrivée. La même source indique que le colonel Assimi Goïta, alors chef du bataillon, a augmenté les salaires des membres de cette unité pour assurer sa protection et faciliter leur coopération avec les mercenaires. Parallèlement à ces opérations militaires, des sorties médiatiques souverainistes jugées populistes se sont multipliées. Les militaires et leur gouvernement civil, dirigé par Choguel Maïga, ont adopté un nouveau modèle de communication, soutenu par une guerre informationnelle où la télévision officielle et plusieurs comptes sur les médias sociaux, souvent considérés comme affiliés à Wagner et à d'autres activistes locaux, ont diffusé abondamment une nouvelle ligne de communication axée sur l’hostilité aux anciens partenaires occidentaux et sur la « souveraineté retrouvée ».

À l’étranger, plusieurs immigrés africains se sont positionnés comme des panafricanistes et ont soutenu la junte de Bamako. Certains de ces immigrés sont accusés d’être employés par Wagner et polluent les réseaux sociaux avec des messages et déclarations racistes. Ces messages mettent en avant le narratif du continent noir légitime et des blancs nord-africains comme étant étrangers, ce qui galvanise leurs auditeurs. Aux côtés de ce discours de l’Afrique noire souveraine, ces migrants distillent également celui qui reflète leur véritable mission : aider la Russie à combattre l’influence des Occidentaux en Afrique francophone.

Cette stratégie de communication vise à mobiliser un sentiment anti-occidental et à renforcer l’image d’une Afrique noire indépendante et souveraine, tout en justifiant la présence et les actions de Wagner et de la junte malienne. Le discours met en avant la lutte contre l’influence occidentale comme un impératif pour la liberté et la souveraineté des nations africaines, ce qui résonne auprès de nombreuses personnes fatiguées des interventions étrangères perçues comme néocolonialistes et surtout sans résultats.

Cependant, ce discours masque les véritables intentions et actions de Wagner, qui sont de renforcer les intérêts russes en Afrique, souvent au détriment des populations locales. Les activités de Wagner incluent des exactions extrajudiciaires et des massacres, présentés à Moscou comme des succès contre le terrorisme, mais vécus par les populations locales comme des actes de nettoyage ethnique et de répression brutale.

Les efforts de communication et de propagande à l’étranger contribuent à maintenir un soutien justifiant les actions de Wagner, tout en occultant la réalité des violences et des violations des droits humains sur le terrain.

En février 2022, les forces européennes ont annoncé leur retrait du Mali en raison du non-respect des délais pour la tenue des élections promis par les putschistes, mais également à cause de la présence de Wagner. Aussitôt, les mercenaires de Wagner ont été déployés dans plusieurs endroits, partageant les mêmes camps que les forces françaises et de la MINUSMA. En novembre 2022, les forces françaises ont quitté l’Azawad après que les putschistes à Bamako ont dénoncé leur présence et les accords sécuritaires liant Barkhane et le Mali. Les bases militaires françaises ont alors été reprises par les mercenaires de Wagner, qui n’ont déployé aucun effort logistique pour maintenir les infrastructures et les abris, pareillement aux militaires maliens. Wagner a ainsi mis en péril les efforts européens ayant conduit à la création de la force Takuba. Le camp construit par cette coalition européenne à Ménaka, coûtant environ plus d’une centaine de millions d’euros en termes de logistique selon des sources diplomatique, a été de facto occupé par Wagner après le départ de la force Takuba.

À partir d’août 2023, la junte de Bamako a lancé des opérations offensives contre les villes de l’Azawad, où sont installées les forces des mouvements de l’Azawad. Cette offensive a été menée par Wagner, au moyen des drones turcs en soutien à Wagner et aux militaires malien au sol, violant par cet acte les accords et les cessez-le-feu signés avec les mouvements de l’Azawad.

Cette opération a causé le massacre massif de civils Touaregs et arabes, entraînant un exode massif des populations vers la Mauritanie et l’Algérie. Après avoir pris le contrôle de certaines villes centrales, Wagner et les militaires maliens ont patrouillé dans les campagnes pour assassiner et piller les villages et campements. Au cours de cette campagne barbare, plusieurs charniers ont été découverts, des civils décapités, des corps de personnes civils piégés, des dispositifs meurtriers sur les routes et les décharges, dans des maisons causant des victimes parmi les enfants et les femmes mais surtout l’empoisonnement des points d’eau, unique source de survie pour hommes et animaux. Cette barbarie a créé une psychose au sein des populations civiles, qui ont quitté massivement les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, abandonnant tout leur patrimoine.

Cette tragédie, à peine couverte par les médias et organisations internationales, est une catastrophe que la région de l’Azawad n’a jamais connue depuis l’époque du sanguinaire Modibo Keita.

La dernière campagne de massacres en date menée par Wagner et les militaires maliens dans les zones de Tassik et d’Amassine, au sud de Kidal, témoigne de l’intention cruelle de la junte de Bamako de procéder à une épuration ethnique assumée où trente (39) villageois et campagnards ont été tués, certains égorgés devant leurs proches, d’autres brulés vifs dans leurs voitures.

À l'instar de la ligne de démarcation imposée à l’opération française Barkhane, qui est interdite de mener des opérations dans les régions légitimes du Mali telles que Ségou, Koulikoro, Kayes et Sikasso, la junte impose à Wagner de limiter ses opérations aux régions du Macina et de l’Azawad. Cela malgré la présence accrue d’unités d’Al-Qaïda dans les régions où Wagner est interdit d’agir. Cette mesure vise à éviter que Wagner ne commette des massacres sur les civils des peuples mandingues, présentés comme étant éligibles à la protection. Cette restriction concerne également l’utilisation de frappes de drones. Contrairement à la façon dont ils sont utilisés excessivement, au détriment des règles d’engagement, contre les civils dans l’Azawad, l’utilisation de ces drones turcs est interdite par la junte dans les dites régions légitimes du Mali.

Wagner a fait de la Libye en Afrique son terrain de projection et du Mali son allié modèle en Afrique de l’Ouest. Il convient également de mentionner les actions de Wagner, une société de sécurité militaire privée, agissant en dehors de tout mandat officiel ou de toute hiérarchie sur le terrain, qui mène des exactions extrajudiciaires contre les civils dans l’Azawad et les présente à Moscou comme des succès contre le terrorisme. Plusieurs sources concordent sur le fait que cette société se nomme désormais "Africa Corps" et dépend directement de l’Etat-major de l’armée russe. Les actions de cette organisation, qualifiée de terroriste par plusieurs pays, sont commandités par la junte au pouvoir à Bamako. Les dividendes de cette tromperie, aux dépens des vies des civils innocents, servent de bénéfices aux dirigeants de cette agence de la mort et aux putschistes au pouvoir à Bamako qui se partagent les gains, selon des sources informées. Ce qui est présenté au Kremlin comme des succès est vécu par le peuple de l’Azawad comme un nettoyage ethnique à l’encontre des Touaregs, des Arabes-Maures et des Peulhs. 

Ces actions terroristes de Wagner sont présentées par les juntes au pouvoir à leurs soutiens locaux comme des succès sécuritaires censés apporter la stabilité, alors que plusieurs observateurs et organisations alertent sur le danger de l’insécurité croissante et la balkanisation du sahel. Cette société, qui sert les intérêts étrangers russes dans plusieurs pays, est connue pour parrainer les pouvoirs dictatoriaux au détriment des populations civiles.

APMA 21 mai 2024

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