Des déplacés touaregs à KIDAL après avoir fui Talatayt, Ménaka en septembre 2022 après une attaque EIGS. @Abdollah ag Mohamed |
La région de Ménaka et de Gao, située dans l'Azawad, sont en proie depuis plusieurs années à une violence extrême et à une instabilité sans cesse croissante, en raison de la présence de groupes armés locaux affiliés à l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Initialement dirigée principalement contre les populations touarègues autochtones vivant dans aires de transhumance et les réserves naturelles de Ménaka et d'Ansongo, cette violence s'est étendue aux autres communautés, notamment les populations Songhays résidant le long du fleuve Niger.
A s’y méprendre, l’objet de cette violence inouïe ne tient qu’au contrôle des zones pastorales tenues depuis des millénaires par les populations peules et Touarègues. La stratégie des alliés de l'EIGS et de l'AQMI, principalement des éleveurs migrants en provenance du Niger et du Burkina Faso, consiste à prendre le contrôle de cet espace vital pour le pastoralisme. À cette fin, ils pillent, massacrent et chassent les populations autochtones, en particulier les Touaregs, et en moindre mesure certaines familles arabes. Bien que ce conflit territorial fût relativement silencieux depuis les années 1990, après la signature d'un pacte de transhumance entre le Mali et le Niger, il a pris une tournure majeure à partir de 2011 avec l'alliance des éleveurs étrangers et leurs alliés locaux au Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et à l'AQMI.
Avant que ces migrants ne reçoivent le soutien et ne prêtent allégeance à ces organisations terroristes, ils étaient appuyés par des États comme le Niger, qui les aidaient à créer des milices armées au détriment des civils autochtones. Les escarmouches entre les autochtones et les éleveurs migrants étaient récurrents depuis 1996, mais la violence s'est intensifiée à partir de 2017. Cette escalade a été exacerbée par une alliance entre les autochtones et les forces françaises contre l'ex-MUJAO ayant prêté allégeance à l'État Islamique en Irak et au Levant, devenant ainsi l'État Islamique au Grand Sahara (EIGS), et l'AQMI, entraînant des milliers de morts et l'exode de nombreux Touaregs.
Comme pour bien d'autres événements tragiques dans l'Azawad, ce conflit sert de gagne-pain à certains chercheurs du secteur privé et à des spécialistes des médias qui en font leur carrière. Cependant, aucune indignation majeure ni soutien significatif aux populations touchées n'a été observé. Chaque acteur présent tire son épingle du jeu : pour l'EIGS, ce conflit sert de foyer de tensions qui maintient son existence ; pour le Niger, évacuer ses éleveurs profite à ses agriculteurs qu’il pense plus légitimes et méritant sa protection. Pour les Touaregs, cela représente une tragédie et une perte de leurs terres ancestrales et de leurs moyens de subsistance.
Les forces françaises, dans le cadre de l'opération Barkhane, ont joué un rôle crucial dans la lutte contre ces groupes terroristes. Cependant, leur alliance avec les autochtones de cette zone a également conduit à une intensification des affrontements, car les groupes terroristes ont riposté avec davantage de violence. L'intervention française, bien qu'efficace sur certains plans, n'a pas réussi à stabiliser complètement la région et a parfois même aggravé les tensions locales.
En conséquence, les populations autochtones, en particulier les Touaregs, ont subi des pertes considérables en termes de vies humaines, de biens matériels et de terres. Les attaques contre les civils se sont multipliées, les villages ont été détruits et les habitants ont été forcés de fuir leurs terres ancestrales. Cette situation a créé une crise humanitaire majeure, avec des milliers de personnes déplacées à l'intérieur du pays et réfugiées dans les pays voisins.
La communauté internationale et les organisations humanitaires ont tenté de répondre à cette crise, mais les défis logistiques et sécuritaires ont rendu difficile l'acheminement de l'aide. De plus, la complexité du conflit, impliquant des alliances changeantes et des intérêts multiples, a compliqué les efforts de médiation et de résolution pacifique.
En résumé, la région de Ménaka et de Gao continue de souffrir de violences extrêmes et d'instabilité, exacerbées par les alliances entre autochtones et forces étrangères contre des groupes terroristes, ainsi que par le soutien historique des États voisins à des milices armées. Les conséquences humanitaires sont graves, avec un impact profond sur les populations locales, en particulier les Touaregs.
APMA 30 mai 2024