Depuis quelques années, la Turquie intensifie son influence en Afrique à travers des partenariats stratégiques avec des États en crise. Initialement orientée vers des domaines civils tels que l’immobilier, les infrastructures hydrauliques, l’éducation et l’énergie, cette stratégie a été renforcée par des mesures attractives comme la facilitation des visas et l’octroi de bourses universitaires. Progressivement, Ankara s’est implantée dans des pays historiquement liés à la France, profitant des tensions croissantes entre ces nations et leur ancien partenaire colonial. Aujourd’hui, dans des contextes marqués par des régimes militaires et des crises politiques, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la Turquie s’affirme comme un acteur clé dans le domaine militaire grâce à ses drones Bayraktar TB2 et Akıncı, devenus des outils centraux des conflits régionaux.
Une stratégie expansionniste au service d’intérêts économiques et géopolitiques
Sous la direction de Recep Tayyip Erdoğan, la Turquie a mis en œuvre une politique étrangère proactive en Afrique, s’appuyant sur une combinaison d’intérêts économiques, géopolitiques et idéologiques. Si les projets d’infrastructures et les échanges commerciaux demeurent les piliers de cette stratégie, l’aspect militaire y occupe désormais une place prépondérante. Dans des pays gouvernés par des régimes militaires, Ankara propose des solutions technologiques adaptées aux besoins de modernisation des armées locales. Les drones turcs, reconnus pour leur efficacité et leur coût relativement accessible, offrent à ces États une capacité inédite de surveillance et de frappe aérienne, mais soulèvent également de nombreuses préoccupations quant à leur usage.
L’Azawad : une région en proie à des violences amplifiées par les drones
Dans l’Azawad, région saharienne majoritairement touarègue, les frappes de drones turcs, menées sous prétexte de lutte contre le terrorisme, ont exacerbé les tensions. Officiellement déployées pour cibler des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, ces opérations ont souvent frappé des zones civiles, incluant des marchés, des campements nomades et des convois de population. Ces incidents, largement documentés par des témoignages locaux, renforcent le sentiment de marginalisation et d’injustice parmi les populations locales, tout en exacerbant les tensions entre communautés et autorités étatiques.
Un coût humain et humanitaire alarmant
Les conséquences des frappes de drones sont dévastatrices :
• Pertes civiles massives : Des attaques ciblant des zones habitées ont causé des dizaines de morts, notamment parmi les femmes et les enfants.
• Déplacements forcés : De nombreuses familles fuient les zones de conflit, aggravant une crise humanitaire déjà critique.
• Destruction des moyens de subsistance : Les frappes détruisent les ressources économiques locales, rendant les populations encore plus vulnérables.
Ces dynamiques ne se limitent pas au Mali : des allégations similaires émergent au Niger et au Burkina Faso, où l’absence de régulation sur l’utilisation des drones conduit à des abus.
Alliances controversées et remise en question de la légitimité
Les partenariats turcs avec des régimes militaires suscitent de vives critiques, tant pour leur impact humanitaire que pour leur dimension géopolitique. En soutenant des gouvernements accusés de violations des droits de l’homme et de répression, Ankara semble prioriser ses intérêts stratégiques au détriment des principes éthiques. Cette posture risque d’éroder davantage la confiance des populations locales envers leurs institutions et d’alimenter un cycle de violence et d’instabilité.
Appel à la responsabilité internationale
Face à ces dérives, la communauté internationale doit examiner de près l’impact des drones turcs dans les conflits africains. La conduite d’enquêtes indépendantes pour documenter les frappes et établir les responsabilités s’impose comme une priorité. L’Union africaine et les Nations unies doivent jouer un rôle actif pour encadrer l’usage de ces technologies et prévenir les abus.
La militarisation croissante de la stratégie turque en Afrique illustre les limites des solutions purement sécuritaires dans des contextes de crise multidimensionnelle. Dans des régions comme l’Azawad, les frappes de drones, en l’absence d’une approche inclusive et durable, aggravent les fractures sociales et alimentent les ressentiments. Une réponse concertée et respectueuse des droits humains est essentielle pour briser ce cycle destructeur.
APMA, le 07/01/2025